• "La juge soupire. Me dit qu'on va s'arrêter là pour aujourd'hui. Me demande de me lever. Debout, face à elle, j'ai les yeux rivés au sol. Elle me parle de la peine que prévoit le Code pénal pour les faits qui me sont reprochés. Sept ans et demi de prison. Je voudrais dire encore une fois que je n'ai rien fait. Leur vérité n'est pas la mienne. Je reste muet.
    Sa voix m'exile. Je suis mis en examen. Le juge des libertés décidera de mon placement en détention provisoire. Mandat de dépôt.
    Ils m'envoient en prison. Ils disent que j'ai violé. Violé la loi."

    La soirée s'annonce bien pour Rodrigues : fête de la musique, bière et rock'n'roll... Et puis ce concert avec Aurélie, qui semble ne chanter que pour lui. Des regards qui s'échangent, l'alcool qui aide, des envies plein les yeux... Une nuit qui tient ses promesses.
    Rodrigues est heureux.
    Jusqu'au lendemain, où le cauchemar commence...



    Les carcérales / Magali Wiéner




    On reçoit le récit de ce jeune homme comme une claque dans la figure, et on doute : quelle est la vérité ?
    Sa vérité à lui, que son amie lui aurait laissé entendre qu'elle était d'accord pour faire l'amour ? Sa vérité à elle, qui soutient qu'il l'a violée, et qu'elle était trop faible et lui trop fort pour qu'elle puisse se débattre ? A chacun d'en juger.
    Impressionnante histoire, qui nous place du côté du "méchant", un garçon en pleine puberté qui ne comprend pas trop ce qu'on lui reproche, et qui se perd dans toutes les déclarations qu'on lui fait remplir "pour la procédure".
    Un garçon qui peu à peu va prendre conscience du mal qu'il a fait involontairement, passant de l'étonnement à la colère, puis à l'apitoiement.

    Envoyé en prison pour mineurs en attendant que son acte passe en jugement, il fera connaissance avec la violence, et sera protégé par Wall, caïd noir qui a été envoyé en prison parce qu'il a tué "un Blanc qui voulait se faire un Noir". Wall, à l'histoire étonnante et cruelle...

    J'ai beaucoup aimé les paroles de deux des jurés, à la fin :


    "Vous croyez qu'après cet évènement, il va savoir aimer une femme ? Comment fera-t-il pour savoir si elle veut ou pas ? Parce que ce soir-là, il était sûr qu'elle voulait et son erreur lui a coûté les assises. Moi, je pense qu'il faut qu'il se fasse aider par des professionnels."
    "J'éprouve de la compassion pour ce jeune, et à l'opposé, je pense à Aurélie qu'il a fait souffrir, qui va conserver des séquelles... Pour qui doit-on avoir le plus de compassion ? Et comment fait-on si on en éprouve pour les deux ? Tous deux en appellent  à notre mansuétude : elle, pour se refaire, aimer à nouveau et revenir au chant ; lui pour être un homme responsable et libre. Je voudrais satisfaire les deux. Aucun ne doit sortir du procès avec le sentiment d'une justice mal taillée. Faut-il punir sévèrement et rétablir la dignité de la victime mais prendre le risque de briser un homme jeune ? ou croire en la perfectiblité, en la rédemption des fautes, et ne pas envoyer le coupable en prison en laissant la victime isolée dans sa souffrance ?"

    Un récit intense plein de violence, où rien n'est tout blanc ou tout noir, posant la question du bien-fondé des prisons et du système judiciare.

    Les carcérales
    Magali Wiéner
    Editions Milan Jeunesse
    Collection Macadam
    10,50 €

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  • "Princes d'à côté, venez ! Accourez ! Ma fille est à marier ! Elle est jolie, douce et aimable et dort très bien sur des petits pois."
    La princesse les vit donc arriver, ces princes d'à côté. En file sur le chemin, un à un, ils baisèrent sa main. Mais non, vraiment, merci bien, aucun d'entre eux ne lui disait rien !



    La princesse qui n'aimait pas les princes / Alice Brière-Haquet & Lionel Larchevêque




    J'ai eu vraiment un coup de coeur pour cette petite histoire destinée aux enfants de six ans. Voilà un livre qui tord le cou aux récits conventionnels à l'eau de rose où "ils se marièrent et eurent plein d'enfants"...
    Le roi aimerait que sa fille se marie, et envoie donc des invitations au quatre coins du monde pour inviter les princes à venir séduire la jeune fille. Mais la princesse en question ne les trouve vraiment pas à son goût.
    En désespoir de cause, le roi demande à la fée de venir : elle résoudra forcément son problème ! Seulement, ce qu'il n'avaiit pas prévu, c'est que la princesse et la fée tomberaient amoureuses l'une de l'autre...

    Et voilà comment avec un petit texte tout simple et joliment illustré on enseigne aux enfants que l'amour peut revêtir différentes formes ; comme l'auteur le dit si bien à la fin :

    "Elles ne purent pas vraiment se marier, et pour faire des bébés ce fut un peu plus compliqué...
    Mais toutes les deux, elles vécurent très heureuses. Et c'est ainsi que doit s'achever tout véritable conte de fée."



    La princesse qui n'aimait pas les princes
    Alice Brière-Hachet & Lionel Larchevêque
    Editions Actes Sud Junior
    7,50 €

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  • Jane (Renée Zellweger) a été chanteuse, elle vivote maintenant, clouée sur un fauteuil roulant. A l'hôpital, elle a rencontré Joey (Forest Whitaker), un pompier traumatisé par la perte d'êtres chers dans un incendie qu'il n'a su éteindre. En proie à des accès de violence destructrice, Joey vit sous la surveillance de la police de la petite ville du Middle West où résident ces deux malheureux. Quand il apprend que Jane a un fils qui s'apprête à faire sa communion solennelle à Baton Rouge (Louisiane), le spectateur sent que l'heure de prendre la route a sonné, pour les personnages comme pour le film. (résumé tiré du site de Le Monde)


    my own love song


    My own love song est un de ces films qui vous prend par la main pour vous entrainer tout doucement, sans anicroche, vers le coeur de l'histoire. Olivier Dahan, réalisateur de La Môme, réalise là un beau film intimiste qui chantonne longtemps après dans le coeur.
    On suit avec plaisir le parcours de ces deux êtres écorchés par la vie, qui croisent sur leur chemin des personnages plus ou moins barrés, plus ou moins abîmés par la vie : Billie (exquise Madeline Zima ) qui a perdu son mari et le cherche un peu partout d'un air un peu perdu et rêveur ; Caldwell (Nick Nolte, impressionnant !) bluesman mystérieux qui a tout perdu lors du passage de l'ouragan à la Nouvelle Orléans (et franchement, s'il fallait une seule autre raison pour voir le film, un seul argument, ce serait pour lui)...

    Leurs rencontres donnent lieu à des dialogues croustillants et à des situations plus ou moins cocasses. On assiste aussi à de très beaux moments d'émotion, qui, sans nous plonger dans le pathos, nous serre un peu la gorge.

    Le scénario tout simple nous fait suivre un rythme doux et mélancolique, ponctué de quelques scènes vives qui donne du nerf à l'ensemble. Quant à la bande originale du film, elle est composée par Bob Dylan et touche tout de suite cette part de nous qui aimerait aussi prendre la route sans véritable but précis.

    Un beau film qui se penche avec tendresse sur ces personnages abîmés et doucement loufoques. Un film où ces petits détails qui semblent insignifiants prennent tout leur sens et toute leur beauté...



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  • Sam a (deux cent) douze ans. C'est une sorcière. Sam a le pouvoir de donner vie à des créatures qu'elle découpe dans de la "peau de nuit". Accablée de solitude, elle se façonne un jour une petite soeur, mais elle rate son coup de ciseau et donne naissance à Ca, une ombre aussi méchante qu'envahissante... Une ombre dont il va falloir se débarasser, quitte pour cela à lui découper un "papa d'épouvante"...


    Sam / Jérôme Noirez & Aurélien Police




    Cet album, plein de sombre poésie, est destiné aux enfants à partir de 6 ans. On se prend immédiatement d'affection pour cette petite sorcière esseulée, qui nous raconte l'histoire avec un humour noir très appréciable. Son monde est étrange, fanstamagorique et... attirant. On y apprend comment créer des découpules avec de la peau de nuit - qui est comme de la peau d'oignon - et qu'un coup de ciseau donné au mauvais endroit peut produire une petite soeur méchante qui menace de manger votre chat - lui aussi une découpule (pratique, quand on est allergique aux poils de chat...)
    Mais Sam est une sorcière qui ne s'en laisse pas conter, et trouve rapidement une solution. La fin est d'ailleurs tordante, tant on se dit que Sam est irresponsable de laisser Ca et son papa d'épouvante courir les rues et assassiner tout ce qui bouge, et en même temps on la comprend : au moins, plus de Ca pour faire de l'orage juste au-dessus de la maison !


    Sam / Jérôme Noirez & Aurélien Police



    Les illustrations sont de toute beauté, à la fois sombres et lumineuses, et s'allient très bien avec le texte. Collage, peinture, montage ? Un peu de tout cela à la fois.

    Un album pour faire peur mais qui fait sourire (ou l'inverse ?) et qui se démarque par son côté fantastique et ses superbes illustrations.


    Sam / Jérôme Noirez & Aurélien Police




    Sam
    Jérôme Noirez & Aurélien Police
    Editions Gulf Stream
    16, 50 €

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