• Une journée d'octobre apparemment comme les autres, l'humanité découvre avec stupeur que la vitesse de rotation de la Terre a ralenti. Les jours atteignent progressivement 26, 28 puis 30 heures. La gravité est modifiée, les oiseaux, désorientés, s'écrasent, les marées se dérèglent et les baleines s'échouent... Tandis que certains cèdent à la panique, d'autres, au contraire, s'accrochent à leur routine, comme pour nier l'évidence que la fin du monde est imminente. En Californie, Julia est le témoin de ce bouleversement, de ses conséquences sur sa communauté et sa famille. Adolescente à fleur de peau, elle est à l'âge où son corps, son rapport aux autres et sa vision du monde changent : l'âge des miracles. Entre roman d'anticipation et roman d'apprentissage, L’Âge des miracles est un livre visionnaire sur la capacité d'adaptation de l'homme, poussée ici à son paroxysme.


    L'age des miracles / Karen Thompson Walker




    Julia, 23 ans, se rappelle son adolescence, et à travers elle, on suit le lent déclin de l'humanité. La rotation de la Terre a ralenti, et cet évènement entraîne de graves conséquences : les oiseaux meurent en premier, désorientés par un champ magnétique qui joue les girouettes, puis les baleines et d'autres animaux. La gravité se modifie - Julia constate ainsi qu'il est plus difficile de lancer loin un ballon de football. L'atmosphère ne protège plus des radiations du soleil, entraînant des maladies plus ou moins graves.
    Enfin, les jours et les nuits s'allongent, de plus en plus, jusqu'à chacun durer des semaines à la fin de l'histoire. Entre les nuits glaciales et les journées brûlantes, les bêtes et les plantes ont du mal à survivre, augurant d'une future famine. Quant aux humains, ils se partagent en deux groupes : ceux qui continuent de vivre au rythme des vingt-quatre heures des horloges, et ceux qui préfèrent suivre le rythme solaire.

    A travers les souvenirs de Julia, on suit un récit crépusculaire où l'extinction de l'humanité semble inéluctable ; les gens continuent leur vie tant bien que mal en espérant sans trop y croire que tout pourrait s'arranger. En attendant, ils accumulent les provisions et les objets nécessaires à la survie. Des mouvements de paniques gagnent sporadiquement les foules, des sectes voient le jour. Et Julia ? Julia vit sa première histoire d'amour, Julia espère encore vivre une adolescence normale...

    C'est un récit à la fois touchant et effrayant, une hypothèse d'apocalypse qui pourrait fort bien nous arriver et devant laquelle nous resterions impuissants, malgré toute notre science.


    L'âge des miracles
    Karen Thompson Walker
    Presses de la cité
    19.90 €


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  • Dans une ville entièrement immergée, un vieux monsieur résiste encore et toujours à la montée du niveau de la mer. Chaque fois que l’eau atteint son plancher, il est obligé de bâtir une nouvelle maison pardessus la précédente, tant et si bien qu’au bout de dizaines d’années, son logis a fini par ressembler à une immense pile de petits cubes. Un jour, alors qu’il s’est encore une fois lancé dans la construction d’une nouvelle demeure, il laisse échapper ses outils qui tombent tout au fond de l’eau. Il enfile sa combinaison pour aller les repêcher et au fur et à mesure qu’il descend à travers ses anciennes maisons, de lointains souvenirs lui reviennent en mémoire. Commence alors une plongée dans le passé du vieil homme, un retour en arrière tout en délicatesse, comme le film d’une vie entière qui se déroulerait sous nos yeux... à l’envers.


    La maison en petits cubes / Kunio Katô & Kenya Hirata




    Voilà un très bel album aux tons doux et délicats, qui nous plonge dans les souvenirs de toute une vie d'un homme devenu vieux : la rencontre avec celle qui deviendra sa femme, la naissance de leurs enfants, la recherche d'un petit chat perdu, le combat incessant contre l'eau qui monte... Et puis la mort aussi, la solitude.

    Ça aurait pu être une histoire triste, mais c'est au contraire un hommage aux souvenirs qui peuplent la mémoire du vieil homme et l'accompagnent constamment. La nostalgie est l'émotion qui prime dans le récit, une nostalgie légère et émue faces à ces images qui ressurgissent du passé, au fur et à mesure que le vieil homme traverse dans l'eau toutes ces maisons qui sont autant de témoins des jours enfuis.

    Cet album est tiré du court-métrage du même nom, qui a obtenu de façon amplement mérité en 2009 l'Oscar du meilleur court métrage.




    La maison en petits cubes
    Kunio Katô & Kenya Hirata
    Editions Nobi-Nobi
    14.95 €


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  • Depuis que sa mère est malade, Conor redoute la nuit et ses cauchemars. Quelques minutes après minuit, un monstre apparaît, qui apporte avec lui l'obscurité, le vent et les cris. C'est quelque chose de très ancien, et de sauvage. Le monstre vient chercher la vérité.


    Quelques minutes après minuit / Patrick Ness




    "Les histoires sont les choses les plus sauvages de toutes. Les histoires chassent et griffent et mordent."

    Le monstre qui vient visiter Conor la nuit, c'est l'if à proximité de chez lui, qui s'anime quand vient l'obscurité. Aussi vieux que le monde, immense, terrifiant. Et porteur d'une requête particulière.

    "- Voici ce qui va se passer, Connor O'Malley. Je vais revenir te voir d'autres nuits [...] Et je te raconterai trois histoires. Trois histoires du temps où je suis venu. [...] Et quand j'aurai terminé mes trois histoires, tu m'en raconteras une quatrième. Et ce sera la vérité. [...]
    - Bon, d'accord. Mais tu as dit que je serais terrifié avant que tout cela finisse, et tout ça n'a rien de particulièrement terrifiant.
    - Tu sais que ce n'est pas vrai. Tu sais que ta vérité, celle que tu caches, Conor O'Malley, est la chose que tu crains le plus"

    C'est une vérité, un cauchemar, un sentiment que Conor a enfoui au plus profond de lui et qu'il ne veut pas dévoiler, pas même à ses propres yeux - car comment se regarder en face, après ?
    Suite à une fuite, toute son école est au courant que sa mère est atteinte d'un cancer ; ses petits camarades n'osent plus l'approcher, les professeurs ne le punissent plus, car il a tellement de choses tristes à supporter... Il est presque soulagé que trois camarades le rudoient quotidiennement, car ainsi - de façon assez perverse - il existe pour quelqu'un...

    Et Conor est furieux, furieux contre sa mère qui ne guérit pas, furieux contre sa grand-mère qui n'a pas le mode d'emploi pour dialoguer avec des enfants de son âge. Furieux contre son père qui est parti fonder une nouvelle famille aux États-Unis...
    Sa rencontre avec le monstre va lui permettre d'extérioriser cette colère - de manière assez impressionnante. Est-ce le monstre qui le pousse à se comporter de manière violente, ou est-ce lui qui laisse enfin sortir toute cette fureur qui macère en lui depuis trop longtemps ? Le partage entre le rêve/cauchemar et la réalité est dur à distinguer...



    Quelques minutes après minuit / Patrick Ness





    Je salue la force du texte, ces émotions si violentes qu'on ressent intensément à travers tous les personnages - Conor, sa mère mais aussi tout leur entourage.  Cet amour intense et déchirant qui les lie, jusqu'à faire mal. Cette horrible attente de la délivrance, et cette question douloureuse qui reste en suspend et qu'on n'ose s'avouer : quand tout cela finira-t-il ? C'est réellement un roman initiatique qu'on tient entre nos main. Le monstre, dans toute son ambivalence, sert de guide et de catharsis à Conor. Ce récit m'a fait pensé au Livre des choses perdues de Connolly et à Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi de Malzieu - cette tristesse, ce parcours initiatique d'où l'on ressort plus fort même si le dénouement n'est pas forcément heureux.

    Les illustrations de Jim Kay sont splendides d'horreur, et complètent le texte comme jamais je n'ai pu voir dans un roman. A grands traits sombres et énergiques, elles apportent une force terrifiante au récit et donnent corps aux cauchemars de Conor.



    Quelques minutes après minuit / Patrick Ness





    C'est initialement Sioban Dowd qui a jeté les bases de ce roman, mais elle a été emportée par le cancer avant d'avoir pu l'achever. Patrick Ness, en reprenant le flambeau, rend un hommage poignant à l'écrivain disparue. Ce roman a été récompensé par de prestigieux prix en Angleterre en 2011, tous amplement mérités.

    J'ai eu la gorge nouée pendant toute la lecture de cette histoire si poignante... J'en suis ressortie triste - mais apaisée.







    Quelques minutes après minuit
    Patrick Ness
    Gallimard Jeunesse
    18 €





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