
Je vous l'accorde, le résumé fait midinette à mort. C'est le genre de livre auquel je ne porte pas trop d'attention d'habitude, mais ma collègue me l'a filé en disant qu'elle avait pleuré toutes les larmes de son corps lors de la lecture, du coup ça m'a intrigué (mais vu qu'elle est enceinte et que ça affole les hormones, je me méfiais quand même un peu)
Donc je l'ai lu, ce fichu bouquin.
Et j'ai pris une grosse claque.
Voilà.
Je pourrais en rester là et vous laisser trépigner d'impatience pour finalement vous ruer dans votre librairie préférée pour acheter ce roman, mais je ne suis pas vache, je vais tout de même vous exposer les raisons pour lesquelles j'ai aimé - non, adoré - ce bouquin.
Déjà, le sujet. Deuil d'une grande soeur idolâtrée, la difficile reconstruction derrière, la souffrance et la culpabilité... L'auteur traite de tout ceci avec pudeur et sensibilité, et on ressent bien cette douleur qui poignarde Lennie à chaque jour qui passe sans Bailey.
Ensuite, le personnage principal - Lennie. Depuis la mort de sa soeur, elle griffonne partout des poèmes, des impressions, des souvenirs... Sur une semelle de chaussure, un gobelet, sur un mur ou gravé sur un banc... Ses petits textes émaillent le récit, par petites touches délicates. Parce qu'il y a un vide en elle, parce quand Bailey est partie c'est comme si l'horizon avait été aspiré, Lennie ne parle plus à personne, ne joue plus de clarinette, n'existe plus...
Dans sa douleur, elle se rapproche de Toby, le fiancé de Bailey, chacun cherchant à travers l'autre un souvenir, une ombre déjà partie. Mais quand Lennie rencontre Joe, comment gérer ce retour à la vie ?... Et surtout comment gérer cette découverte, à savoir qu'elle peut vivre sans sa soeur, alors qu'elle qu'elle se comparait à "un poney de compagnie à côté d'un pur-sang", toujours la seconde, toujours en admiration devant la plus grande ?
Les personnages secondaires sont fameux, et tous plus faferlus les uns que les autres. Lennie vit chez sa grand-mère et son oncle, et comme famille hippie et antie-conformiste on ne fait pas mieux : Manou, un peu guérisseuse, peintre à ses heures, qui est persuadée que l'aspect de la plante dans le salon décrit l'état émotionnelle de Lennie ; Big, l'oncle fumeur de joints, un brin scientifique-loufoque et tombeur de ces dames. Gravitent autour de cette famille Sarah la meilleure amie au look gothique-country, Joe qui a toujours la patate et ne cligne pas des yeux mais "bat des cils"... Et tant d'autres...
On en vient au final au style d'écriture, qui est une pure merveille. Vraiment, je crois que c'est ça qui m'a le plus plu. L'auteur arrive à rendre poétique et merveilleux les instants les plus banals de l'existence de Lennie, des phrases comme jetées sur la page en écriture spontanée. Un exemple :
"Joe peine à masquer son adoration pour son frère et ça me fait l'effet d'un coup de marteau sur la tête. C'était pareil pour moi : quand je présentais Bailey à quelqu'un, j'avais l'impression de faire découvrir l'oeuvre d'art la plus rock'n roll du monde"
Ça foisonne d'idées, c'est beau et c'est triste, on s'envole avec ce roman et on a du mal à atterrir derrière. Je pourrais encore vous en tartiner des paragraphes complets comme ça, mais j'ai peur de vous lasser (si ce n'est déjà fait) alors pour conclure : si vous souhaitez lire un bon roman qui vous emporte comme une feuille au vent, ce livre est fait pour vous.
Le ciel est partout
Jandy Nelson
Editions Gallimard
Collection Scripto
11€